Les docteurs juniors, un enjeu majeur pour le système de soins

·

Les politiques doivent donner les moyens de leurs ambitions en faisant du développement des docteurs juniors un facteur d’évolution dans la formation des futurs généralistes

La médecine générale a mis plus de 25 ans à être reconnue comme spécialité à part entière aux côtés des autres spécialités existantes, ce fut un rude combat mais nous y sommes arrivés.

Une seconde étape est à franchir, celle de se donner les moyens d’assumer une formation de haute qualité des futurs spécialistes de médecine générale. Ceci ne peut se faire qu’au prix d’un recrutement important de MSU (Maitres de Stage Universitaires) permettant d’assurer à la population des soins pour tous et de haute qualité.

La mise en place de la 4ᵉ année de médecine générale a été inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale du 23 décembre 2022 ce fut un premier pas.

Pourtant, plus de deux ans après, malgré des promesses maintes fois répétées, nous attendons toujours la publication des textes réglementaires nécessaires à son application.

Les premières promotions d’internes concernées ont déjà entamé leur formation en novembre 2023.

Chaque jour de retard fragilise leur parcours et handicape leur projet professionnel.

Chaque jour de retard complexifie l’organisation facultaire nécessaire pour une mise en place fluide et efficace.

Chaque jour de retard compromet la possibilité pour les acteurs territoriaux de préparer l’accueil des milliers de docteurs juniors de médecine générale dans de bonnes conditions.

Un mois après la remise du rapport de la mission 4ᵉ année, qui donne clés en main toutes les mesures à instaurer, aucun texte n’a été publié.
Cette inertie est incompréhensible et inacceptable.

Comment expliquer un tel blocage alors que la formation des médecins généralistes sur le terrain, au plus près de la population, est un levier majeur pour favoriser les installations dans tous les territoires et l’accès aux soins pour toute la population et sur tout le territoire national.

Elle aurait aussi dû offrir à 3 700 futurs médecins généralistes l’opportunité de mieux explorer tous les territoires dès novembre 2026, en lien avec leurs projets professionnels, afin de faciliter leur intégration et d’accélérer leurs installations après l’obtention de leur diplôme.

Les Maîtres de Stage des Universités (MSU) étaient largement mobilisés pour permettre le succès de cette réforme. Une enquête nationale menée conjointement par le CNGE et le SNEMG auprès des MSU a notamment permis de recueillir 4 439 réponses, ce qui témoigne de l’attente et de la mobilisation des MSU concernant les opportunités que cette réforme peut offrir à notre système de soins. Plus de 45 % des MSU ont exprimé leur désir d’accueillir un docteur junior. Cette mobilisation sans précédent est particulièrement prometteuse… …

Cependant, la réforme est actuellement gravement menacée par la décision du gouvernement de faire supporter aux MSU le fardeau financier de l’accueil des docteurs juniors, mettant ainsi en péril l’équilibre de leurs structures.

Ce désengagement de l’État rend impossible le recrutement de terrains de stage en nombre suffisant, avec le risque d’envoyer la quasi-totalité des docteurs juniors dans les hôpitaux et créant une inégalité majeure dans la formation des futurs médecins généralistes.

Parmi les 4 439 répondants de l’enquête, seulement 16 % restent prêts à accueillir un docteur junior dans les conditions proposées par le gouvernement. Les étudiants et les médecins en activité ne peuvent se résoudre à l’échec d’une réforme attendue, programmée, négociée est indispensable. C’est pourquoi ils alertent aujourd’hui les pouvoirs publics.

Pour être attractif un tel investissement sur le temps de travail du MSU ( un enseignement et un accompagnement pédagogiquement efficace double le temps de consultation). L’investissement financier doit être à la hauteur, ce qui est loin d’être le cas avec les sommes proposées par les ministères concernés :

  • Pour les Maitres de Stage (MSU) forfait mensuel de 1200 euros pour mise à disposition du local équipé et fonctionnel (agendas en ligne, secrétariat, informatique, …) + 600 euros mensuels de forfait pédagogique. Mais contrairement aux SASPAS, aucune perception sur les actes,
  • prime de 800 euros mensuels pour les MSU lorsque les locaux sont situés en ZIP (Zones d’Intervention Prioritaire).

Une réforme est nécessaire et tous les MSU pressentis le disent, si les propositions ne sont pas plus attractives, cette réforme sera un repoussoir et la situation des étudiants ( qui se précipiteront vers l’hôpital pour effectuer cette 4 eme année) passeront à côté d’une formation pédagogique les préparant réellement à leur futur métier.

En l’état, ce projet de réforme sera un pétard mouillé.

 En l’absence de réaction rapide et massive, l’État sera alors pleinement responsable de l’échec de cette réforme pourtant essentielle et devra assumer toutes les conséquences de ce fiasco en matière de formation et d’accès aux soins de la population. Nous attendons du gouvernement qu’il assume ses responsabilités et publie sans délai les textes nécessaires à l’application de cette réforme avec les masses financières à la hauteur de l’enjeu.